mercredi 10 août 2011

Biosphere - N-Plants

[Touch, 2011]



A la mi-février, Biosphere (Geir Jenssen) achève un album tout entier inspiré par les nuclear plants nippones, par leur architecture, leur design, ou encore leur situation géographique : Biosphere nourrit une fascination ballardienne pour ces centrales nucléaires implantées dans des zones réputées sismiques et sur les côtes, chefs-d’œuvre technologiques exposées aux séismes et tsunamis. Chacun des tracks de l’album, sauf le dernier, est ainsi dédié à une centrale japonaise. L’album sort fin juin ; entretemps le territoire insulaire a bel et bien connu une catastrophe nucléaire, donnant à l’ensemble des neufs morceaux une nouvelle signification, une charge éminemment prophétique, qui intensifient la puissance déstabilisante de leur atmosphère onirique.

L’album s’ouvre sur le magnifique « Sendai-1 », un morceau à l’atmosphère trouble, à la fois rassurante et inquiétante. Un sentiment d’étrangeté alien ressort sur « Monju-1 » et sur « Fujiko » avec leurs spoken words japonais. « Genkai-1 » rappelle Boards of Canada et autres primes références du back catalogue de Warp. La mélancolie froide qui traverse l’album évoque tout à tour l’architecture immaculée de l’urbanisme nippon, la ritournelle d'impassibles machines, les profondeurs aquatiques, les paysages irradiés et la blancheur polaire (celle de la Norvège natale de Jenssen ?). La musique de Biosphere suit les trajectoires atomiques, frôle les particules, mais sans jamais oser plonger au cœur de leur valse. Elle reste en surface, à ce point-limite où la gravité domine encore les tensions quantiques, parcourant cette frontière de la réalité où les corps commencent à se faire ondes.

L’hypnotisme ambient de N-Plants fonctionne amplement par répétitions, mises en boucles perpétuelles, et préfère se parer de structures dépouillées, voire désuètes, plutôt que d’embrasser les délires formels d’une IDM baroque. Aucune formule appliquée n’est révolutionnaire, mais les textures sonores échappent à toute datation précise, comme évoluant dans un continuum atemporel. N-Plants, sans jamais retrouver la splendeur hallucinée et hallucinante de Substrata (1999), est un nouvel opus essentiel de Biosphere.

1. Sendai-1
2. Shika-1
3. Jōyō
4. Ikata-1
5. Monju-1
6. Genkai-1
7. Ōi-1
8. Monju-2
9. Fujiko