lundi 18 juillet 2011

Surgeon - Breaking The Frame

[Dynamic Tension records, 2011]


Une décennie après son dernier album (l'efficace Body Request), Surgeon (Anthony Child) délivre avec Breaking The Frame une nouvelle démonstration de force. Encore une fois, la techno du producteur anglais s’étoffe de textures toujours plus abstraites. L’introductif « Dark matter », par exemple, est une pièce ambient toute traversée de tensions métalliques, une inlassable fresque-ouverture (en boucle, elle devient hypnotique). Les notes stridentes dépeignent la soudaine percée lumineuse dans une immensité obscure. Le temps ne s’écoule plus, mais tout l’espace se dévoile. C’est un instant d’inertie, la fresque sonore d’une aube étrange, étrangère à notre monde. Un soleil inconnu s’éveille pour dévoiler des paysages exoplanétaires. Mais le voyage que propose Breaking The Frame, n’est pas une excursion vers l’espace extérieur, mais davantage une incursion, une odyssée intérieure ; l’intériorité révélée confronte et amalgame masses charnelles et blocs mécaniques. 

L'album distille une atmosphère urbaine, nerveuse, saturée de mélancolie. Les morceaux explorent les froids espaces souterrains de la métropole par lesquels transite l’humanité. « Transparent Radiation » est une syncope dubstep aux mélodies argentines ; les lancinantes basslines et les fugitives distorsions drill’n’bass accompagnent un implacable beat métronomique. L’arythmique « The Power of Doubt » émet d’inquiétants et hypnotiques reflets tarkovskiens. « RADIANCE » est une pièce flamboyante aux textures folles, torturées, écrasées les unes contre les autres, pure dark energy décimant le monde dans une implosion infinie ; ce morceau est le véritable cœur de l’album, sa monstrueuse singularité. Avec « Presence » et son harpe inspirée d’Alice Coltrane, le fredonnement de la machine s’apaise et se fait douce pulsation groovy, métallique. « We Are All Already Here », dépouillé de rythmique, est un drone industriel aux maladives fréquences atonales, tandis qu'avec « Those Who Do Not », morceau à la structure 4/4 plus conventionnelle, la biomécanique s’affole à nouveau, mais immergée dans un océan éthéré de réverbérations souterraines.

« Not-two » est une douloureuse et hallucinatoire remontée à la surface du Réel, épilogue idéal du voyage mental. Le morceau s’ouvre sur le field-recording terriblement anxiogène d’un rassemblement, émersion momentanée dans le monde extérieur. Les voix se démultiplient, se superposent les unes aux autres, sans que l’on puisse saisir ou reconnaître un mot. Puis le chœur chaotique laisse place à un drone céleste, crépusculaire. C’est un nouvel instant de suspension, une accalmie, mais fragile, instable, car traversée d’une insaisissable angoisse. Le soleil étranger se couche en plongeant les merveilleux paysages sonores de Breaking The Frame dans l’obscurité.

1. Dark Matter
2. Transparent Radiation
3. Remover Of Darkness
4. The Power of Doubt
5. RADIANCE
6. Presence
7. We Are All Already Here
8. Those Who Do Not
9. Not-Two

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